J+ 67, 2602 km 🇧🇦
Nous voilà à la découverte de la Bosnie-Herzégovine à vélos !
Pays des Balkans aux multiples contrastes et à l’équilibre qui semble encore fragile, peuplé de Bosniaques (musulmans), Serbes et de Croates. On ne sait plus en quelle langue dire « bonjour », mais on se sent tout de suite bien ici ! Une véritable bulle d’air après le tumulte de la côte Croate entre Split et Ploče. Gros changement d’ambiance!
Sans eau, sans nourriture, sans forfait bosnien et sans monnaie locale, le dépaysement commence dès la frontière.
Ćiro Trail. De Mostar à Ivanica.
On a pédalé sur la « Ćiro Trail » une voie cyclable qui suit les traces de l’ancienne voie de chemin de fer en service de 1906 à 1976, construite sous l’empire Austro-Hongrois. Elle permettait de relier Vienne à Dubrovnik, plutôt cool ! Elle a été détruite par les communistes à l’époque de la Yougoslavie, au plus grand regret des habitants qui nous ont vanté la praticité du train pour rejoindre la plage et se la couler douce !

On traverse des villages et des gares détruites par la guerre au milieu d’une nature verdoyante et des paysages à couper le souffle.

Des panneaux indiquent la présence de mines. Plutôt bon à savoir, surtout lorsqu’on envisage de bivouaquer : la Bosnie est loin d’avoir terminé ce chantier colossal de déminage (il resterait plus de 150 000 mines antipersonnel datant du conflit de l’ex-Yougoslavie dans les années 90). Il existe une application (BH mines suspected areas) permettant d’identifier les zones à risques connues, mais on a préféré se contenter de rester sur le chemin.

D’autant qu’on n’a jamais réussi à finir le jeu du Démineur! D’ailleurs, la végétation a tellement repris ses droits que ce n’est pas évident de se faufiler dans les bois. Les serpents 🐍 (et orvets des Balkans) -qui, cette fois, ne sont pas écrasés par les nombreux passages de voitures- sont aussi relativement dissuasifs !
Blagaj. Village paisible à une dizaine de kilomètres de Mostar, à la source de la rivière Buna.
Délestée des bagages, on décide de faire un crochet pour découvrir la maison des Derviches – un « Tekke », bâtiment où se réunissent les confréries soufis (un de nos livres de duvets étant « Soufi, mon amour » on trouve le moment bien choisi).
On aperçoit au loin des stands et de la fumée, il semblerait que ce soit jour de marché : parfait, on va pouvoir découvrir la cuisine locale – ćevapi (rouleau de viande servi avec du pain et des crudités), burek et autres réjouissances, entre influences Ottomane et balkanique !
Arrivées au croisement avec ce qui semble être la route principale (et très très fréquentée) du marché, on finit par demander notre chemin à un policier (pour ne pas monter inutilement, bien sûr !). Il nous confirme que la « Derviche House » est à droite. C’est plat mais il nous faut entrer dans un flux humain inarrêtable pendant plusieurs kilomètres. On blague un peu en se disant que, « décidément, on va vraiment être nombreux à la maison des Derviches! », « ils se sont donné rendez-vous ou quoi? »… avant de comprendre que TOUS s’y rendent !
Nous sommes en fait en plein coeur des festivités du mevlud du derviche – la plus grande cérémonie de toute la Bosnie-Herzégovine, qui rassemble chaque année des DIZAINES DE MILLIERS de musulmans ! Improbable d’être ici à ce moment précis !

Il fait chaud, il y a des gens assis part terre dans chaque millimètre disponible d’ombre, des familles pique-niquent même dans le cimetière. Les femmes ont l’air charismatiques et fortes, au visage un peu dur et à la voix rauque. Certaines sont voilées, d’autres pas, mais ensemble elle fument avec assurance clopes sur clopes. En tous cas, on se sent bien encombrées avec nos vélos dans cette foule ! Après 2 bonnes heures (et une petite lutte pour trouver un coin où laisser nos montures), on réussit à se hisser jusqu’à la fameuse maison des derviches. Des centaines de croyants sont réunis pour des prières collectives. Ils psalmodient et se prosternent en rythme. On reste un temps, un peu en retrait, pour s’imprégner de cette énergie sans l’altérer, avant de repartir.

Mostar. On emprunte une rue parallèle pour s’éviter un nouveau bain de foule à Blagaj ! On pédale à vive allure en se disant que, sur ce coup-là, on a été malignes ! Sauf qu’on se retrouve rapidement bloquées par un rassemblement de voitures tuning. Ce qu’on croyait être notre raccourci a, pour l’occasion, été transformé en une piste de courses pour y faire concourir et flamber les bô bolides. Anai a quand même tenté de demander au vigile si on pouvait passer par la piste avec les vélos, mais c’est un refus ! Un rêve qui s’effondre 🙁 Demi-tour obligatoire !

On arrive au final à Mostar – connu pour son vieux pont – par la nationale !

Hutovo. Bivouac au milieu de nulle part, au bord d’un lac face à une lune bien pleine !

Oups, réveil à 7h ! On entend des clochettes se diriger droit vers nous. Puis l’herbe qui est arrachée aux abords de la tente. GG finit par passer la tête hors de la tente pour voir ce qu’il se passe : un troupeau d’environ 100 moutons et chèvres sont en train de pâturer autour de nous, accompagnés de leur berger. Notre présence n’a pas l’air de poser problème, et tant mieux ! On se salue en échangeant un sourire et on boit notre café au milieu du troupeau.

Ravno. Petite pause dans l’ancienne gare restaurée et transformée en un restaurant assez chic. Le serveur nous accueille avec une grande sympathie et partage avec pudeur l’histoire de cet endroit. On a même pu visiter la cave insoupçonnable de la gare -mieux qu’une salle climatisée !
Quelques kilomètres plus loin, le village de Zavala. Une seconde gare retapée face à une vue imprenable. Dernier point d’eau/alimentaire avant la frontière à 40km.

Aujourd’hui, on est fatiguées, alors on s’arrête à nouveau. On croise Pauline et Julien, 2 cyclos français qui voyagent à travers l’Europe ! On partage nos impressions sur la route et d’après eux le bivouac n’est pas évident sur les prochains 30 km : ça tombe bien, on n’avait pas envie d’avancer plus aujourd’hui ! Poussées par notre fatigue (flemme ?), on demande conseil au serveur. Bingo ! Il nous indique le spot idéal à 50 mètres. Les gens sont particulièrement accueillants et bienveillants, les choses sont simples et ça fait du bien !
Après ces quelques jours rythmés en Bosnie, nous poursuivons notre joyeux périple vers le Monténégro!