[Arménie 🇦🇲 J+185, 7 372km – Du 28 août au 15 septembre]
⛰️Un pays montagneux aux habitants humbles et souriants !
⚠️ L’Azerbaïdjan bombarde l’Arménie.
🌏 De très gros changements d’itinéraire, encore !
L’Arménie, petit pays du Caucase à l’histoire mouvementée, coincé entre la Turquie, l’Iran, l’Azerbaïdjan et la Géorgie. Dès notre préparation d’itinéraire (et depuis toujours), on en rêvait. Mais, bien entendu, on l’avait rapidement rayé du tracé : une montagne géante, jamais de la vie à vélo ! Et puis finalement (comme à chaque fois qu’on dit « jamais de la vie »), nous y voilà, et on s’y plait ! 💙
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Frontière. Le premier « mot » -d’une traite- : « Hello-welcome-to-Armenia-bye. » Simple, accueillant, efficace, expéditif. C’est parti ! Encore une fois -au risque d’être répétitives- : on ne comprend encore rien à ce bel alphabet ! Pour ajouter un peu de craquant, on note une tendance à « sous-titrer » en russe là où on aurait espéré avoir de l’anglais. En tous les cas, c’est joli et ça distrait les mollets dans l’ascension 🧐.
Toumanian ⛰. Rapidement, on se trouve nez-à-grand-nez avec les montagnes. Tout est bien vrai, on ne nous a pas menti cette fois: les dénivelés sont là ! Sur la route, les vendeurs et vendeuses de fruits nous arrêtent régulièrement pour remplir nos sacoches de provisions ! 🍊🍑 Et surtout, impossible de payer quoi que ce soit ! Aucun doute : on a bien quitté la Géorgie, c’est le retour des grands coucous de la main et des symphonies de Klaxons d’encouragements !
On traverse des paysages qu’on n’imaginait pas vraiment en Arménie, de grands espaces arides et de gargantuesques usines soviétiques à l’abandon.
On termine notre journée vallonnée à Toumanian, dans une auberge de jeunesse (improbable, on est vraiment au milieu de nulle part). C’est en réalité d’anciens bains soviétiques qui ont été transformés. C’est ici que l’on rencontre l’autre facette des « fuck Russians » qui s’étalaient sur les murs géorgiens : le point de vue d’une artiste russe qui, elle, a du fuir son pays et couper tout contact avec sa famille et ses proches pour pouvoir dénoncer l’oppression Russe sans finir en prison. Le village a mis à disposition une ancienne usine pour permettre à un collectif d’artistes internationaux de créer et s’exprimer au coeur des montagnes -on a hâte de suivre tout cela !
Lac de Sevan 💧. Après avoir gravi de beaux cols bien secs, on aperçoit au loin une lueur de fraicheur, une grande tâche bleue turquoise qui rafraîchit le coeur : le lac de Sevan: l’un des plus grands lacs d’altitude au monde. Dans ces paysages magnifiques et cette atmosphère paisible, on bivouaque gaiement. 🧜♂️
🥔 Du lac de Sevan à Erevan, la route est agréable ! Une petite route à l’asphalte fraichement terminé nous mène jusqu’à la capitale en passant par Tsakhadzor et son monastère. On campe dans les parages avant une grosse journée de 74 km, mais bon, ça descend !
Après seulement 10 petits kilomètres, un clac-gling-gling-glagla! provenant du vélo de GG lance l’alerte. La jante a cassé, un rayon s’est fait la malle ! Là, ça dépasse clairement nos possibilités de réparation. On a beau avoir des jolis rayons tout neufs dans la sacoche, ça ne nous aide pas. On finit par bricoler un pansement de jante du dimanche qui (on l’espère) fera l’affaire pour les bornes qui restent. Bon, ça tourne franchement en patate, mais ça tourne ! L’arrivée se fait (avec chance) par un shop de vélo où le réparateur nous fait comprendre qu’il faut changer la jante et qu’il serait bon, à l’avenir, d’enlever l’autocollant de la Turquie qui parade sur le vélo.
Erevan. On prend ensuite quelques jours pour découvrir cette capitale à taille humaine mais qui regorge de vie et d’évènements ! En Albanie, on avait croisé les vieux bus de la ville de Rouen, ici, c’est la ville de Lyon qui s’est délestée de ses vieux cars. Encore un peu et on se retrouvait Place Bellecour !
On s’est laissées embarquer dans un Free walking tour avec un guide passionné par l’art et l’histoire de son pays. On apprend que les arméniens sont des génies: par exemple, le type qui a inventé le mitigeur -le robinet qui permet de ne plus s’ébouillanter- est arménien et que les échecs sont une discipline obligatoire à l’école ! On en profite aussi (surtout Anai) pour se remplir les yeux de motifs tous plus splendides les uns que les autres 😍.
C’est aussi le moment rêvé pour consulter un dentiste et régler nos petites déconvenues ! Quand on arrive en ville, ça signifie souvent « régler les trucs chiants » !
C’est également l’occasion de récupérer nos visas iraniens 🇮🇷, et c’est d’une facilité déconcertante. Bon, si on fait abstraction de la logistique à anticiper: faire la demande en ligne au préalable, aller dans une banque iranienne à Erevan pour payer les frais de visa (en euros), puis enfin, aller 10 km plus loin, récupérer le précieux sésame à l’ambassade.
On a aussi pris le temps de planifier la suite du voyage et de définir une date pour nos billets d’avion pour rejoindre Delhi depuis Dubaï ! Un grand moment de célébration curieuse et d’excitation soudaine 🥳.
Khor Virap ⛪️. On quitte la capitale, pour pédaler vers le majestueux Mont Ararat. Par chance, le ciel est dégagé et laisse apparaitre le petit toit de neige éternelle ! Ce volcan est considéré comme le lieu où se posa l’arche de Noé. C’est un véritable symbole pour l’Arménie, le christianisme et Anai. Sauf que depuis 1923, le Mont Ararat est en Turquie !
On a repéré un champ d’abricots / aire de pique nique sur le bord de la route. On contacte alors le propriétaire au numéro indiqué sur le panneau pour lui demander si nous pouvons planter la tente pour la nuit. Une fois le message envoyé, une Lada avec deux hommes débarque. Aucun d’eux ne parlent anglais, alors nous avons un bref échange via Google Translate. Ils nous proposent un verre de Vodka, et un barbecue. Fatiguées, on refuse. En réalité, on n’a pas un bon feeling avec eux, alors on reste froides et décline toutes les propositions. Ils allument l’électricité puis finissent par partir. Mea Culpa, on s’est fait des films, peut être que notre feeling était mauvais, on a été désagréables pour rien, trop de méfiance ? Quelques minutes après leur départ, on reçoit un message déjà traduit en français: des avances franchement dégueulasses. Furieuses, on replie sacoches et on monte sur nos vélos pour dormir ailleurs. Les gars vont forcément revenir et ça va être pénible. Ces deux lâches n’ont même pas eu le courage de tenter une approche en face à face. Ils ne se seraient jamais permis un truc pareil avec une arménienne. La nuit tombe et on finit par planter la tente dans les buissons et les cailloux, faute de mieux. On passe une mauvaise nuit de bivouac, fatiguées et énervées de devoir faire face à nouveau à l’irrespect masculin. Le lendemain (une fois loin) on échange quelques messages pour expliquer le fond de notre pensée et les réponses sont encore pires que le message de la veille. On lâche l’affaire non sans avoir (oups) terminé par un message un brin insultant 😡🫣. ça change rien mais ça soulage.
Heureusement, le beau temps est au rendez-vous. On s’arrête dans un shop pour se donner du courage juste avant d’entamer l’ascension du col. C’est ici qu’on fait la rencontre de Greta, qui, elle ne le sait pas, nous a remonté le moral en deux secondes ! Elle gère le magasin accolé à sa maison, à quelques centaines de mètres de la frontière avec l’Azerbaïdjan. On discute un moment, c’est fluide, on se comprend plutôt bien malgré la barrière de la langue. Ses pépites dans les yeux sont contagieuses, on fait enfin tomber la barrière de béton fraichement posé depuis la veille.
Et pour ajouter un peu plus de beauté après Greta : à peine reparties de son shop, on fait la rencontre de Camille et Antoine, deux français (qui ont les mêmes sacoches que nous) sur la route depuis plus d’un an pour rejoindre le Népal. On les « connait » déjà : lorsqu’on avait parlé de notre projet, en novembre dernier, c’est eux qu’on nous avait recommandés. On n’aurait jamais imaginé les croiser ! Mais, pas de doute, ils savent prendre le temps! On pédale ensemble, à notre rythme, pendant 2 jours. En Géorgie, entre notre séparation avec Lasha et d’autres péripéties, on a eu une petite baisse de régime. Mais depuis l’Arménie tout va mieux ! Ce pays nous a reboostées en seulement quelques jours ! On a une bonne cadence et on commence à moins peiner en montagne ! Les rencontres avec les arméniens sont (pour la plus grande majorité) agréables ! 🤸♀️🤸♀️
🌌🏝 Puis on décide de se la couler douce un après-midi en bord de rivière à une quinzaine de kilomètres de Jermuk pour prendre le temps d’écrire et de dessiner. Aussi fou que cela puisse paraitre, ces derniers jours, on n’avait pas trop eu le temps. Le vélo et les tâches quotidiennes nous occupent pleinement les journées -d’autant plus quand ça monte ! On se trouve un endroit bien tranquille, au calme sans personne pour nous interrompre dans cet élan créatif. À la nuit tombée, un vieux monsieur vient nous voir et nous apprend que nous sommes sur un terrain privé, oups. Il voit finalement les vélos et nous permet de rester pour la nuit !
💣 Au bord de la rivière. Ce matin, c’est un coup de feu qui nous réveille. À ce moment précis, on se dit que c’est surement un chasseur, de bon matin. On range nos affaires paisiblement pour prendre la route vers 7h : on a décidé de profiter de la fraicheur du matin pour gravir le col qui nous attend (« ça suffit de rouler en plein cagnard ! »). Alors qu’on retrouve la route principale, on constate un attroupement de policiers et un barrage de militaires qui bloquent la route qui monte vers Jermouk. Un évènement grave a du se produire, un mort peut être ? Un règlement de compte ? Aucune idée, personne ne nous informe de la situation et on nous laisse passer. Les 10 premiers kilomètres sont doux, la montée est progressive, c’est même agréable. La pente devient de plus en plus raide, heureusement il est tôt. Alors qu’il nous reste seulement 6 km pour atteindre le sommet, on reçoit un coup de téléphone. Nicole nous annonce que l’Azerbaïdjan a bombardé l’Arménie cette nuit vers minuit (et notamment Jermuk). À ce moment on ne réalise pas encore l’ampleur de l’attaque. Mais tout fait sens, voilà pourquoi presque aucune voiture ne descend vers le sud et pourquoi nous avions croisé autant de militaires.
❎ Nous sommes exactement entre Goris et Jermuk. Il nous reste 4 km à monter pour rejoindre Antoine et Camille, à plat et en panne de pompe à vélo. On n’a jamais monté un col aussi rapidement de notre vie ! Une fois en haut, on prend conscience qu’il ne s’agit pas de simples échanges de tirs à la frontière, c’est une guerre. Fini la rigolade. On a donc deux solutions: faire du stop sans s’arrêter vers l’Iran ou rebrousser chemin en direction d’Erevan.
On arrête alors tous les camions qui passent : en vain. Et puis soudain un camion-benne s’arrête et semble pouvoir embarquer les vélos à l’arrière mais ne peut prendre que 2 personnes à l’avant; ce sera notre tour. Camille et Antoine décident de garder les vélos et de prendre le suivant.
🚛 On ne se comprend pas vraiment avec ce monsieur, mais il fait preuve d’un calme légendaire, à l’image des arméniens. Il s’arrête pour nous offrir des pêches, et nous propose un petit coup de vodka : et oui! Il faut se donner du courage ! Notre pilote roule cependant à toute allure (sur le moment, ça secoue-glisse-dérape-tam-paf-bim! tellement qu’on se demande vraiment si c’est pour rester en vie qu’on est montées -on fait même abstraction du fait qu’à l’arrière nos vélos et sacoches s’agitent et se retournent comme des crêpes à chaque trou sur la route) pour rejoindre la ville d’Erevan, en évitant soigneusement toutes les routes qui longent la frontière avec l’Azerbaïdjan. Dans l’autre sens, les camions militaires et les canons remontent le col par légion.
Erevan. Difficile de trouver encore du sens au voyage devant toute cette absurdité et cette violence. On passe la nuit dans la capitale, un peu choquées de voir que ces évènements tragiques se déroulent silencieusement. On ressent beaucoup de tristesse pour le pays, et on a la sensation que les tensions vont persister encore longtemps. Pour nous, les choses sont très claires. Pas question de prendre des risques inutiles dans une région en conflit pour un voyage : notre vie ne dépend pas d’un tracé vélo et nous avons le choix d’être ici. Pas question non plus d’être un problème en plus à gérer pour le pays dans lequel nous sommes.
⏮ Nous voilà donc parties pour rejoindre l’Iran en remontant par la Géorgie puis la Turquie ! On rembobine la cassette, en accéléré, puis au ralenti. Un bon détour d’au moins 1 000 km compensé par des rencontres qui réchauffent le coeur et des paysages magnifiques. Mais c’est tellement futile à côté de la situation traversée par les locaux dans le sud de l’Arménie !
🚟 Le lendemain on décide de prendre un train pour Gyumri. L’attente est longue. On se sent encore sous tension. Soudainement, la gare est évacuée : une bombe se trouverait sur les rails. Les Arméniens ont l’air calme, les touristes sortent en courant : on se croirait dans une gare parisienne. Les chiens ressortent, l’ambulance et les démineurs repartent : fausse alerte. Le train finit par arriver; pas de bol : il est interdit d’y manger des graines de tournesol. Malgré les restrictions, on glisse courageusement les vélos à l’intérieur du wagon. Arrivées à Gyumri : choc climatique : un ressenti curieux : il fait froid ! 🥶
Plus tard, on pousse la porte d’une supérette. La vieille dame qui la gère, assise devant la TV nous demande d’où l’on vient. Lorsqu’on lui dit « France », elle a des étoiles dans les yeux ! 🥹 Elle appelle son petit fils Nshan : il a fait ses études en France et parle donc français !
Le lendemain, avant de quitter la ville, on repasse faire un coucou à la vieille dame. Nshan nous invite alors à partager un moment avec ses parents. Une belle rencontre pour clôturer (de façon particulièrement anticipée) notre aventure dans cet incroyable pays !
En route pour la Géorgie, le coeur un peu lourd et confus. On quitte à regret, mais avec l’espoir que la paix et le calme reviennent enfin. Mais l’Arménie ne nous lâche pas si facilement : on ne saurait sortir de ses frontières sans un dernier col ! Ce sera sans doute la fuite la plus lente du 21è siècle.
Une réponse
De « sacrées » mises à l’épreuve sur fond de magnifiques paysages.
Une révélation pour moi ce conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Pourquoi n’en entendons-nous pas parler ? – Pourquoi les médias, les politiques mettent les populations occidentales sous hypnose avec l’Ukraine, alors que dans le même temps, il existe de très nombreux conflits plus où moins dramatiques à travers le monde ? –
PAIX, AMOUR, LUMIERE et JOIE à vous !
Sylvie