[Albanie à vélo J+86 , 3 117 km – 27 mai au 8 juin]
Au poste de frontière, les douaniers Albanais sont tellement accueillants qu’ils nous ont proposé de rester dans leur loge. On a hésité, mais avec le recul, ça valait le coup de continuer !
L’Albanie, c’est un joli petit bazar. Le pays de la Mercedes tout terrain, des énormes et énergiques « coucou de la main » à notre passage, des bunkers et des gens aux sourires jusqu’aux oreilles.
Les odeurs, la monnaie, la langue, la culture, les visages et l’architecture changent : certainement le plus grand (et le plus beau) dépaysement depuis le début de ce périple !
+ de photos de l’Albanie à vélo par ici !
Shkodër. Nos premiers coups de pédales dans une circulation qui va dans tous les sens mais c’est fluide, on lâche prise et on s’y sent bien. Ici, personne ne s’offusque de voir un 2 roues à contresens, une voiture garée au milieu de la voie ou un scooter s’engageant à contresens sur un rond point ! Klaxons et zig-zags, ça passe toujours ! On pédale au rythme de cette circulation à la découverte de Shkodër, tous nos sens sont en éveil pour capter les petites pépites de ce nouveau pays. Notre première impression: on va se plaire ici ! On se croirait déjà en Inde, et c’est pas pour nous déplaire ! On sourit niaisement. Des chiens errent dans les rues en équipe, mais ne se soucient pas vraiment de notre présence.
Entre Shkodër et Tirana, la plaine est parsemée de villages et de cultures à perte de vue. Vignes, arbres fruitiers (cerises, abricots, pêches, grenades…), céréales: on y trouve de tout ! Des charrettes d’une autre époque, tirées par des chevaux nous doublent à toute allure !
Tirana. Passage à la capitale: un curieux mélange entre modernité et architecture soviétique !
Endroit idéal pour en apprendre plus sur l’histoire aussi fascinante qu’intrigante de l’Albanie, ce pays dans la continuité des Balkans mais qui n’en fait pas vraiment partie (avec Eri et son @tiranawalktour). Ce petit pays s’est complètement isolé du reste de l’Europe et est considéré comme l’une des pires dictatures communistes que l’Histoire ait connue! Les Albanais ont découvert les bananes et le Coca-Cola seulement en 1991 ! Le dictateur Enver Hoxha -peut être un peu parano- a fait construire environ 170 000 bunkers pour se protéger d’une attaque nucléaire imaginaire. Eri nous explique avec humour qu’à cette époque, les Etats-Unis et tellement d’autres pays n’ont, en réalité, jamais entendu parlé de l’Albanie: grosse déception !
L’un de nos pantalons est déjà essoufflé par le voyage, faut dire qu’il a la vie rude ! En passant devant la petite boutique (d’environ 2 mètres carrés) d’un couturier, on en profite pour lui confier et ainsi lui donner une seconde vie ! Lorsqu’on passe la porte, le monsieur jette théâtralement son journal par dessus son épaule et nous accueille d’un sourire rayonnant ! Après quelques mimes et gestes on réussit à se comprendre facilement, il nous invite à repasser dans 1h, le temps pour lui d’opérer. Il a fait des miracles !
L’Albanie à vélo : ça pique ! Elbasan.
Ça commence à grimper (en altitude et en température). Pour changer un peu des rencontres avec les cyclos, on a fait la connaissance de 2 motards allemands très chouettes: cap vers l’Australie ! Un voyage si différent du vélo, c’était super interessant de comparer nos moyens de locomotion ! On s’est dit qu’on avait tout de même les mêmes problématiques et que dans le fond c’est « the same stupid and crazy idea »!
Gramsh. Biofarm à 7 km ! Cool, parait qu’on peut y planter la tente et prendre une douche ! La pire et meilleure idée de ce voyage. Il est 19 h, on s’engage dans un chemin de montagne raide, escarpé et rocailleux qui nous oblige à pousser les vélos. Un peu décontenancées par la route on demande confirmation à une dame dans sa ferme, elle nous indique, à coups de grands virages avec les bras « droite, gauche; puis droite, puis gauche puis hop -main qui monte- puis gauche puis à droite et pour finir, main qui monte à la perpendiculaire : biofarm, yes ». C’est à cet exact moment qu’on aurait du soupçonner le traquenard. Mais non. On continue sur notre sentier, droite …. Gauche… Des chiens qui aboient, gauche, gauche. Lentement, très lentement : ça monte. On croise un jeune surpris de nous voir ici avec des vélos si chargés: « La biofarm ? Mais c’est loin vous en avez pour 2h ! » Dans ce genre de situation, on ne sait jamais si on doit se fier à ce genre de remarque où si les gens sont un peu marseillais ! « 5 km en 2h? Come on, faut y aller en rampant ! » Alors on continue, poussant de plus en plus difficilement nos vélos, gauche, puis droite… sous la lumière du soleil qui se couche. À chaque virage on se dit qu’on va l’apercevoir, cette fameuse biofarm; mais non, une nouvelle montagne à l’horizon, puis une autre, et seulement de la végétation à perte de vue. Alors qu’on vient seulement de voir la partie « main qui monte » de la fermière, on s’écroule finalement sur le bord du chemin, SOUS le panneau qui nous nargue « Bio Farm à gauche». (avec une incroyable vue sur les montagnes !) Il faut monter la tente et faire cuire la semoule avant qu’il fasse nuit noire.
Après une courte nuit, on se lève (pour la première fois) à 5 h pour admirer le lever du soleil. On se remet rapidement en route avant les grosses chaleurs, pour atteindre cette fameuse ferme. On aurait pu faire demi-tour, mais on se dit qu’on n’a pas fait tout ça pour rien, et surtout qu’on y est presque. On pousse le vélo sur ce foutu chemin de cailloux encore et encore pendant au moins 4 longs kilomètres à travers la montagne avant d’arriver ENFIN dans cette ferme (à 9h30) ! On est accueillis par les bébés de toutes espèces : lapins, chatons, chiots, poussins… Qui cohabitent gaiement. Un endroit un peu étrange où l’on est les seuls humains avec les employés et on peut comprendre pourquoi ! Le jeune avait raison, la route était encore longue ! -Ils appellent ça un « camping OFF-road ».
On pensait que ça ne pouvait pas être pire, mais, aux alentours de 6h du matin, on vient d’élire le chemin le plus dangereux du voyage en redescendant! Engouffrées dans un ruisseau de cailloux(sec) étroit dans une pente à plus de 20 % nous voilà obligées de descendre car impossible de faire demi-tour. Nos vélos de 50kg n’ont jamais été aussi lourds ! L’une après l’autre, on se doit de coucher notre bécane en équilibre pour s’entraider dans les virages aiguilles: exercice plus que périlleux ! Chance, miracle ou agilité : pas de casse sur les bécanes ni de chute ! Ça y est, on aperçoit une route ! À peine remises de nos émotions, sur le sentier désormais plat et sans trop de rochers, on se fait accueillir par des gros chiens pas très polis. La route principale est seulement à 15 mètres. Mais pour couronner le tout, l’accès s’y fait par une pente raide, lisse, avec une rigole centrale sur laquelle l’eau qui ruisselle déborde et rend -bien entendu- glissante la voie (on ne précisera pas qu’une compote de mures sauvages y ajoute le cachet qui manquait). GG, dont la roue s’est coincée dans le conduit part en aquaplaning, tentant de retenir son fidèle destrier ainsi qu’elle-même. Une cascade de surfer au ralenti qui finira (miraculeusement ou musculairement) sans trop de problème : le vélo tombe doucement sur la route et GG reste debout, vaillante. Tout cela sous l’oeil des chiens grognards, qui sont désormais plus nombreux (chaque problème en son temps). C’est là qu’une dame vole à notre secours en secouant vigoureusement… une brindille : étrangement plutôt efficace !
C’est dans ces montagnes (et la même journée) qu’on bat notre record du plus grand dénivelé positif de notre vie entière: 1200m en 40 km (sous une chaleur étouffante), ça pique ! Même si c’était particulièrement physique, les paysages en valaient largement la chandelle!
(Dommage, c’est à ce moment-là que le drone tombe en panne. Surement un signe pour que l’on profite de ses moments avec nos yeux, et pas derrière un écran !)
Petite surprise agréable en bonus: on a fait la découverte de plusieurs robinets d’eau de source : une vraie béné-diction pour se rafraîchir, s’hydrater et se laver ! Les albanais y viennent d’ailleurs avec la merco pleine de bidons à remplir !
Ici, même dans les endroits perdus où tu penses être seul, ou que tu crois trouver un carré d’ombre : il y a toujours un berger, un âne, une vache, un chien ou des enfants ! On remarque avec amusement ce contraste invraisemblable du vacher qui veille sur ses deux bêtes patiemment pendant des heures au milieu d’une nature verdoyante puis qui d’un coup sort son smartphone et commence à scroller. Ou encore le 4×4 Mercedes flambant neuf qui tracte une vieille remorque en bois, pleine à craquer de foin. Ou bien le gars qui se fait déposer par une vieille merco devant son champ, puis repart à dos de cheval !
Après ces ascensions dans les montagnes, on finit par tomber sur un petit shop, ça faisait vraiment longtemps ! On achète quelques réjouissances – cerise sur le gâteau- l’un des deux hommes, Alban parle anglais ! Il nous offre chaleureusement des abricots pour la route!
Passé le village, on entend à nouveau des chiens de bergers au loin, on décide de ne pas s’arrêter : on a un temps d’avance. Ils nous coursent pendant un moment, avant de se lasser; voilà qui accélère notre arrivée au prochain stop.
Malik. Première « grande » ville depuis un moment, on en profite pour faire le ravitaillement. À la sortie du magasin 3 femmes semblent parler de nous, surement intriguées par notre barda. La plus âgée des trois s’assoit avec nous et une discussion mimée débute entrecoupée de fous rires et de grandes tapes dans le dos, on ne s’est peut être pas complètement comprises, mais on s’est bien marrées !
Pogradec. Retour à la civilisation, on a croisé en dix minutes plus de voiture que ces 3 derniers jours dans la montagne, ça nous fait tout drôle ! Des calèches viennent nous accompagner à un rythme raisonnable et rassurant sur les bords de la nationale. On pose alors nos sacoches dans un camping familial en face du lac d’Ohrid, Camping ARBI Bar-Restaurant. On s’y sent tellement bien (et on est tellement KO) que la nuit s’est transformée en 3 jours ! On a fait la rencontre de Jean-Paul et Chantal, deux voyageurs aguerris à vélos couchés, une belle rencontre alsacienne: on espère les revoir en France !
On ne sait pas encore quand ni comment, mais l’Albanie (et les albanais) nous ont vraiment donnés envie de revenir ! En fait, on a eu dès les premiers jours un vrai coup de coeur pour ce pays ! On a eu le sentiment d’un coup de se rapprocher de l’Inde alors qu’on est pourtant encore si loin de l’Asie, de l’Inde, des Tuks-Tuks, de l’Himalaya et des momos !